À partir de -125, le sud de la Gaule est peu à peu conquis par la République romaine, qui y fonde les villes d’Aix-en-Provence, Toulouse et Narbonne. En -58, Jules César se lance à la conquête du reste de la Gaule, et vainc en -52 une révolte menée par le chef gaulois Vercingétorix. Rome organise rapidement les nouvelles conquêtes en Gaule. En plus de la Narbonnaise (une région méridionale conquise au Ie siècle av. J.-C.), trois nouvelles provinces sont créées : la Belgica au Nord et au Nord-Est, la Gallia Lugdunensis (de la Bretagne jusqu’à la cité de Lyon) et l'Aquitania, au Sud-Ouest.
Les Bituriges Cube font partie de l’Aquitania et ont pour voisins au nord les Carnutes et les Senons, à l’ouest les Turons et les Pictons, au sud les Lemovices et les Arvernes et à l’est, les Eduens. Chacun de ces peuple avait son territoire et formaient ce que les romains ont appelé civitates, cités ; Chaque cité avait à sa tête un roi et une capitale et, pour des raisons d’efficacité, l’administration romaine respecta ces divisions traditionnelles quand elle occupa le pays. Auguste désigna ou créa 60 chefs-lieux dans toute la Gaule, soit des villes déjà importantes comme Chartres (dont le nom dérive de Carnute), soit des villes créées de toute pièce à partir de lieux où n’existaient que quelques huttes. Ils devinrent des villes actives et peuplées, les notables s’y sont installés puis elles devenrent plus tard le siège des évêchés catholiques.
La capitale des Bituriges Cube était Avaricum (Bourges), qualifiée par César, dans La Guerre des Gaules, de "la plus belle ville de presque toute la Gaule» (VII,15, Bibliotheca Classica Selecta, http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGVII.html). Il y a sur le territoire pas moins de vingt villes de certaine importance et de nombreux bourgs, villages et hameaux. César décrit ce territoire et ses habitants, leur organisation et leur résistance et les dépeint comme un peuple fier, courageux et riche. Leur agriculture est développée (céréales, lin, chanvre), ils élévent du bétail et sont réputés pour l’extraction et le travail du fer, le tissage des toiles, la fabrication des vases d’étain, des chars de combat et des armes (Joanne, 1892) ; Pline l’Ancien note que "le mérite de l’invention primitive [de l’étamage] appartient aux Bituriges" (Histoire Naturelle XXXIV, 162, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k282082c/).
Le territoire des Bituriges Cubes couvre les actuels départements du Cher et de l'Indre, ainsi que la partie ouest de l'Allier. Il bénéficie des réseaux denses hydrographiques de la Creuse, de l'Indre, du Cher et de leurs affluents. Le maillage urbain des oppida et/ou villes gallo-romaines bituriges témoignent de ce fait. Après la guerre des Gaules, les Bituriges Cubes, communauté de citoyens libres, sera sous Auguste, intégrée à la province de Gaule Aquitaine, puis deviendra, sous Dioclétien, une partie de la province Aquitaine Première. Bourges y gagna de devenir la capitale de cet ensemble puis, à l'époque franque, d'être le siège d'un important archevêché.
Après la conquête de la Gaule par César, les Romains y implantent leur système administratif et transforment les peuples conquis sans imposer vraiment le latin aux vaincus mais en ignorant les langues "barbares" et en rendant le latin indispensable pour les élites locales (Leclerc, 2021). Parallèlement au latin classique réservée à l'aristocratie, aux relations commerciales et aux écoles, il se développe un latin plus populaire, dit "vulgaire" (du latin vulgus =peuple, commun des hommes), essentiellement oral, beaucoup plus libre dans son développement et intégrant des termes locaux en raison des contacts entre vainqueurs et vaincus de l'Empire. Progressivement, ce latin parlé sera employé par les clercs et les scribes pour la rédaction des actes publics et d'une foule de documents officiels et va triompher définitivement du latin classique. Il semble qu’en ville, le gaulois ait cédé assez rapidement au latin mais en l’enrichissant alors qu’à la campagne le gaulois a pu subsister plus longtemps, surtout dans les régions éloignées des grandes voies de circulation.
Au cours des IIe et IIIe siècles de notre ère, plusieurs événements vont être à l’origine de changements dans la population et par conséquent dans la langue : à la fin du IIe siècle, la "peste antonine", en réalité une épidémie de variole, décime l’Empire romain engendre une baisse démographique et en particulier des effectifs de l’armée romaine, ce qui a pour conséquence l’enrôlement de non romains à qui on donne la citoyenneté romaine pour renforcer les légions. Le transfert des barbares vaincus, déplacés avec leur famille et leurs troupeaux à l’intérieur des provinces qu’il est nécessaire de repeupler et de remettre en culture constitue un autre élément ayant favorisé l’évolution de la langue. Un autre événement est la fin de ce que les spécialistes ont appelé l’optimum climatique romain (période chaude et humide, qui a favorisé le développement de l’Empire) s’achève. Le climat moins chaud et moins humide perturbe les récoltes ainsi que la navigation fluviale en hiver par le gel des fleuves et des rivières pendant des durées plus longues. Les conséquences économiques sont importantes, les recettes des impôts diminuent, il y a moins d’argent pour l’armée et les peuples germaniques effectuent des razzias de grande ampleur et des incursions en profondeur dans le territoire.
La strate latine ou plutôt bas-latine est très importante : le bas-latin est le latin de l’Antiquité tardive parlé du IIIe au VIe siècle, c’est un parler populaire latin des troupes romaines d´occupation et des anciens légionnaires ayant reçu des terres dans les Provinces pour leur retraite. Il comprend beaucoup de mots empruntés aux parlers des pays occupés, par exemple gaulois ou germaniques. Le bas latin évoluera ensuite vers le latin médiéval qui lui-même continuera à être influencé par les migrations et la langue des Germains. Beaucoup de toponymes sont formés par la combinaison d’un gentilice (nom de famille) et du suffixe (lui-même du gaulois -akos) signifiant domaine de -, qui se transformera en différentes terminaisons de mots selon les régions (cf. infra, Vailly).
Les toponymes d’origine latine peuvent dater d’une longue période s’étendant du Ier au XIIIe siècle ; l’origine linguistique ne permet pas une datation précise car les documents médiévaux connus ont été rédigés en latin par des clercs qui ont transcrit les noms de lieux sous la forme qu’ils imaginaient avoir eu en latin classique et pas sous la forme qu’ils entendaient prononcer dans la vie quotidienne.