Noms de lieux de Vailly-sur-Sauldre

Histoire, langue et toponymie

La toponymie est l’ "étude linguistique des noms de lieux, d'une région ou d'une langue, du point de vue de leur origine, de leur transformation, ou de leur signification" (CNRTL), c’est une branche de l’onomastique, discipline étudiant les noms propres et comprenant d’autres branches comme l'anthroponymie (étude des noms de personne). Nous incluerons dans cette étude, l’étude des cours d’eau, lacs, sources, etc. (hydronymie), des reliefs (oronymie) et les voies de communication routières et ferroviaires et plus généralement l'ensemble des noms d'espaces publics, places, établissements scolaires, bibliothèques, stades, etc. (odonymie).

Michel Grosclaude et Jean-François Le Nail (2000) parlent de couches toponymiques ou de stratifications et affirment que "comme des sédiments, les toponymes se sont en quelque sorte déposés par couches successives au long de la protohistoire puis de l’histoire" ; ils emploient le terme de strates pour déterminer les différentes origines possibles des toponymes des plus anciens aux plus récents.

La strate indo-européenne

Le paléolithique (jusqu’à 10000 avant notre ère) était caractérisé par le nomadisme des groupes humains. Dès le Néolithique, un cadre de vie sédentaitre commence à s’installer avec des habitats temporaires d’abord puis des habitats fixes ancrées dans le sol. Le Néolithique marque le début de l'agriculture et de l'élevage en France, ainsi que le développement de communautés sédentaires et de villages permanents. Ces peuples  que certains spécialistes appellent les Proto-Celtes et parlent le proto-celtique jusque la période que l’on nomme l’âge du bronze (entre 1300 et 800 avant notre ère). Le proto-celtique fait partie des langues Pré-indo-Européennes (P.I.E.). Le terme indo-européen a été introduit en 1816 par l'Allemand Franz Bopp (1791-1867) pour désigner un ensemble de langues d'Europe et d'Asie qui présentent une parenté structurale : il est le fondateur de la méthode comparative en linguistique en tentant d'établir des correspondances entre les langues, de ramener les différences et les évolutions à des règles. Même si certaines des conclusions de Bopp seront contestées par la suite, sa Grammaire comparée des langues indo-européennes rédigée de 1833 à 1852 a le mérite d'avoir engendré dès le milieu du XIXe siècle de nombreuses études linguistiques. Les Celtes, les Germains, les Slaves, etc. sont des peuples indo-européens.

Le proto-celtique serait à l’origine des langues celtiques connues mais il n’en existe aucune trace écrite et les linguistes en sont réduits à tenter de le reconstituer et à en reconstruire un lexique en essayant de trouver les racines communes aux langues qui en découlent (gaëllique, gallois, breton). Ainsi, des éléments de relief dérivent de ces langues P.I.E. comme la racine*kar-/*gar-/*har-/*ar- =pierre, roche que l’on trouve dans de très nombreux noms de montagnes (Carpathes), de cours d’eau (Garonne, Gaillarde, Cher, rivières pierreuses) et de lieux (Carcassonne). La racine *kar, antérieure à la langue celtique, sera reprise par les langues des peuples qui suivront.

La strate gauloise

Les Celtes qui occupent une grande partie de l'Europe avant l'expansion romaine, parlaient des langues celtiques issues du proto-indo-européen. Le berceau de la civilisation celtique est situé en Europe centrale (vers la Bavière actuelle) puis les Celtes se sont déplacés et ont occupé progressivement une grande partie de l'Europe à partir du second millénaire avant notre ère et les premiers Celtes apparurent en Gaule dès le IXe ou le VIIIe siècle avant notre ère dans ce qui constitue aujourd'hui la Champagne. Ils vont imposer une nouvelle civilisation qui s’accompagne d’une révolution industrielle avec l’émergence de l’âge du fer aux environs de 800 avant J.C. Notre région est alors occupée par les Bituriges ("rois du monde", formé de bitu =monde et de rix =roi), et la première mention de ce peuple gaulois est due à Tite-Live qui évoque le roi biturige Ambigat contemporain de Tarquin l’Ancien (régne de -616 à -578) à l’époque où les Phocéens fondent la ville de Marseille : "à l’époque où Tarquin l’Ancien régnait à Rome, la Celtique, une des trois parties de la Gaule, obéissait aux Bituriges, qui lui donnaient un roi. Sous le gouvernement d’Ambigatus, que ses vertus, ses richesses et la prospérité de son peuple avaient rendu tout-puissant, la Gaule reçut un tel développement par la fertilité de son sol et le nombre de ses habitants, qu’il sembla impossible de contenir le débordement de sa population." (Tite-Live, Histoire romaine V, 34 sur Bibliotheca Classica Selecta, http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LIV/V.html#5-34). Plusieurs sites archéologiques importants datent de l’occupation celte comme l’oppidum d’Avaricum (actuellement Bourges), site d’une agglomération princière occupée aux VIe et Ve siècle avant J.-C, centre économique important. Louis Moreri (1683) écrit que Bourges "a été, non seulement une des plus anciennes villes des Gaules, mais encore une des plus belles et des plus considérables.". Certains Bituriges vont partir vers le sud-ouest  au IIe ou Ie siècle av JC et y fonder Burdigala (Bordeaux) ; on les appelle les Bituriges Vivisques, afin de les distinguer des Bituriges qui restent sur place, les Bituriges Cubes, sédentaires qui se fixent définitivement au centre de la Gaule (Cubes, viendrait de la forme de leurs habitations qui ressemblaient à des cubes).

Le terme "Gaulois" est attesté vers 168 avant notre ère sous la forme de Galli par Caton l'Ancien. Tous les peuples gaulois (Éduens, Bituriges, Séquanes, Arvernes, Lingons, Carnutes, Cadurques, etc.) parlaient une même langue, le gaulois, avec des variantes locales importantes. Les linguistes ne disposent pas de littérature gauloise mais de textes brefs et d’imprécations magiques et là aussi, ils utilisent la comparaison avec d’autres langues celtiques. Le gaulois est une des langues celtes qui sera parlée encore après la conquête romaine, une période de bilinguisme qui durera plusieurs siècles et aura une influence sur l’évolution du latin en Gaule. Les mots gaulois ont contribué à enrichir la langue latine. Il reste un certain nombre de traces du gaulois dans notre langue, par exemple mouton dérive du gaulois multo et non du latin ovis, alouette provient du gaulois alauda que les romains ont repris par la suite, etc.

Les Celtes  ont laissé de nombreux toponymes. Par exemple, des suffixes comme "-ac", "-ay", ou "-ey" en France sont souvent d'origine celte, indiquant des lieux où les Celtes se sont installés. Les toponymes celtiques décrivent souvent des caractéristiques géographiques ou naturelles, telles que des collines, des rivières, ou des forêts. Par exemple, le nom de la ville de Lugdunum (aujourd'hui Lyon) dérive de lug,  une divinité gauloise qui présidait à la guerre, aux arts, aux métiers et aux commerce selon D’Arbois de Jubainville, et dunum, signifiant colline ou forteresse, reflétant à la fois la topographie et la religion celtique. Nous en trouvons également des traces dans des toponymes de notre région : par exemple, Ivoy-le-Pré vient du gaulois ivo =if et du suffixe collectif latin –etum, devenu ivetum = ensemble d’ifs, terrain où l’if abonde, plantation d’ifs (Yveto est attesté en 1010 et Iveto en 1124).

La difficulté provient des diverses origines des noms de lieux formés à partie de racines celtiques : certains datent d’avant les Romains, d’autres à partir de l’occupation romaine, certains sont hybrides, moitié latin, moitié celte, d’autres sont passés dans des dialectes romans et ont subsisté après la disparition du gaulois parlé (D. Jeanson)

La strate latine

À partir de -125, le sud de la Gaule est peu à peu conquis par la République romaine, qui y fonde les villes d’Aix-en-Provence, Toulouse et Narbonne. En -58, Jules César se lance à la conquête du reste de la Gaule, et vainc en -52 une révolte menée par le chef gaulois Vercingétorix. Rome organise rapidement les nouvelles conquêtes en Gaule. En plus de la Narbonnaise (une région méridionale conquise au Ie siècle av. J.-C.), trois nouvelles provinces sont créées : la Belgica au Nord et au Nord-Est, la Gallia Lugdunensis (de la Bretagne jusqu’à la cité de Lyon) et l'Aquitania, au Sud-Ouest.

Les Bituriges Cube font partie de l’Aquitania et ont pour voisins au nord les Carnutes et les Senons, à l’ouest les Turons et les Pictons, au sud les Lemovices et les Arvernes et à l’est, les Eduens. Chacun de ces peuple avait son territoire et formaient ce que les romains ont appelé civitates, cités ; Chaque cité avait à sa tête un roi et une capitale et, pour des raisons d’efficacité, l’administration romaine respecta ces divisions traditionnelles quand elle occupa le pays. Auguste désigna ou créa 60 chefs-lieux dans toute la Gaule, soit des villes déjà importantes comme Chartres (dont le nom dérive de Carnute), soit des villes créées de toute pièce à partir de lieux où n’existaient que quelques huttes. Ils devinrent des villes actives et peuplées, les notables s’y sont installés puis elles devenrent plus tard le siège des évêchés catholiques.

Territoire des Bituriges

La capitale des Bituriges Cube était Avaricum (Bourges), qualifiée par César, dans La Guerre des Gaules, de "la plus belle ville de presque toute la Gaule» (VII,15, Bibliotheca Classica Selecta, http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGVII.html).  Il y a sur le territoire pas moins de vingt villes de certaine importance et de nombreux bourgs, villages et hameaux. César décrit ce territoire et ses habitants, leur organisation et leur résistance et les dépeint comme un peuple fier, courageux et riche. Leur agriculture est développée (céréales, lin, chanvre), ils élévent du bétail et sont réputés pour l’extraction et le travail du fer, le tissage des toiles, la fabrication des vases d’étain, des chars de combat et des armes (Joanne, 1892) ; Pline l’Ancien note que "le mérite de l’invention primitive [de l’étamage] appartient aux Bituriges" (Histoire Naturelle XXXIV, 162, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k282082c/).

Le territoire des Bituriges Cubes couvre les actuels départements du Cher et de l'Indre, ainsi que la partie ouest de l'Allier. Il bénéficie des réseaux denses hydrographiques de la Creuse, de l'Indre, du Cher et de leurs affluents. Le maillage urbain des oppida et/ou villes gallo-romaines bituriges témoignent de ce fait. Après la guerre des Gaules, les Bituriges Cubes, communauté de citoyens libres, sera sous Auguste, intégrée à la province de Gaule Aquitaine, puis deviendra, sous Dioclétien, une partie de la province Aquitaine Première. Bourges y gagna de devenir la capitale de cet ensemble puis, à l'époque franque, d'être le siège d'un important archevêché.

Après la conquête de la Gaule par César, les Romains y implantent leur système administratif et transforment les peuples conquis sans imposer vraiment le latin aux vaincus mais en ignorant les langues "barbares" et en rendant le latin indispensable pour les élites locales (Leclerc, 2021). Parallèlement au latin classique réservée à l'aristocratie, aux relations commerciales et aux écoles, il se développe un latin plus populaire, dit "vulgaire" (du latin vulgus =peuple, commun des hommes), essentiellement oral, beaucoup plus libre dans son développement et intégrant des termes locaux en raison des contacts entre vainqueurs et vaincus de l'Empire. Progressivement, ce latin parlé sera employé par les clercs et les scribes pour la rédaction des actes publics et d'une foule de documents officiels et va triompher définitivement du latin classique.  Il semble qu’en ville, le gaulois ait cédé assez rapidement au latin mais en l’enrichissant alors qu’à la campagne le gaulois a pu subsister plus longtemps, surtout dans les régions éloignées des grandes voies de circulation.

Au cours des IIe et IIIe siècles de notre ère, plusieurs événements vont être à l’origine de changements dans la population et par conséquent dans la langue : à la fin du IIe siècle, la "peste antonine", en réalité une épidémie de variole, décime l’Empire romain engendre une baisse démographique et en particulier des effectifs de l’armée romaine, ce qui a pour conséquence l’enrôlement de non romains à qui on donne la citoyenneté romaine pour renforcer les légions. Le transfert des barbares vaincus, déplacés avec leur famille et leurs troupeaux à l’intérieur des provinces qu’il est nécessaire de repeupler et de remettre en culture constitue un autre élément ayant favorisé l’évolution de la langue. Un autre événement est la fin de ce que les spécialistes ont appelé l’optimum climatique romain (période chaude et humide, qui a favorisé  le développement de l’Empire) s’achève. Le climat moins chaud et moins humide perturbe les récoltes ainsi que la navigation fluviale en hiver par le gel des fleuves et des rivières pendant des durées plus longues. Les conséquences économiques sont importantes, les recettes des impôts diminuent, il y a moins d’argent pour l’armée et les peuples germaniques effectuent des razzias de grande ampleur et des incursions en profondeur dans le territoire.

La strate latine ou plutôt bas-latine est très importante : le bas-latin est le latin de l’Antiquité tardive parlé du IIIe au VIe siècle, c’est un parler populaire latin des troupes romaines d´occupation et des anciens légionnaires ayant reçu des terres dans les Provinces pour leur retraite. Il comprend beaucoup de mots empruntés aux parlers des pays occupés, par exemple gaulois ou germaniques. Le bas latin évoluera ensuite vers le latin médiéval qui lui-même continuera à être influencé par les migrations et la langue des Germains. Beaucoup de toponymes sont formés par la combinaison d’un gentilice (nom de famille) et du suffixe (lui-même du gaulois -akos) signifiant domaine de -, qui se transformera en différentes terminaisons de mots selon les régions (cf. infra, Vailly).

Les toponymes d’origine latine peuvent dater d’une longue période s’étendant du Ier au XIIIe siècle ; l’origine linguistique ne permet pas une datation précise car les documents médiévaux connus ont été rédigés en latin par des clercs qui ont transcrit les noms de lieux sous la forme qu’ils imaginaient avoir eu en latin classique et pas sous la forme qu’ils entendaient prononcer dans la vie quotidienne.

La strate germanique

Aux IVe - VIe siècles, les invasions germaniques en Europe occidentale pendant la décadence de l’Empire romain ont laissé de nombreuses traces dans la toponymie et dans l’anthroponymie. Mais même avant, dès l'an 270, après la victoire de l'Empereur Claude II sur les Alamans en Italie et son combat contre les Goths, beaucoup de Germains vaincus s’installent en Gaule pour cultiver, pas toujours de bon gré, des terres en friche. Les incursions des Francs et des Alamans qui ont suivi et leurs défaites face aux Romains ont eu pour conséquence que de très nombreux prisonniers seront soit enrôlés de force dans l'armée romaine, soit destinés à labourer les champs pour des propriétaires romains ; les années suivantes voient d'autres peuples venus du Nord et de l'Est subir le même sort (les Chamaves et les Frisons battus en 296, de nouveau les Alamans en 370). Nombre de Germains sont établis aussi comme colons, asservis à une parcelle par la loi impériale du servus terrœ : ils ne peuvent s'en éloigner et cette fixation territoriale a engendré nombre de toponymes du style "Le Champ Racot", Racot provenant d'un nom de personne d'origine germanique Racwald ou Ragwald. Les Germains possèdent un seul nom, personnel mais choisi dans un stock propre à la famille ; chaque nom est composés de deux segments dont chacun a une signification, se transmet et se combine différemment à l'intérieur de la famille (Bern/ward, Sieg/fried).

D’autres Germains entrent dans l’empire sous de meilleures conditions, enrôlés dans l'armée : les soldats étrangers vivent dans des cantonnements séparés, leur solde leur est payée en terres, suivant une coutume qui avait prévalu dans les armées impériales. La jouissance de ces terres leur est donnée à la condition d’être soldats de père en fils, suivant la loi qui était déjà imposée aux légionnaires. Une des conséquence est l’apparition de nombreux défrichements afin de créer des terres cultivées aux dépens de la forêt avec la création de nouveaux lieux habités et de nouveaux noms de lieux.

Pour des raisons pratiques, les fonctionnaires impériaux répartissent aussi des Germains dans des corps spéciaux. Une troupe est ordinairement composée d’hommes appartenant à une même tribu ; chaque troupe élit son chef, garde sa langue, ses usages et ses lois ; elle n’est astreinte qu’à l’obligation de combattre pour l’empire. Elle forme un véritable établissement et cultive son canton, alternant labours et combats, colonie et garnison. Dans ce cas aussi, la politique impériale est à l'origine de toponymes locaux (Fustel de Coulanges, 1872), beaucoup de ces toponymes sont formés à partir d'anthroponymes germaniques, soit par dérivation avec un suffixe d'appartenance, soit en composition avec des mots d'origine latine (court, ville, villiers). A partir du VIIe siècle, les Gallo-Romains portent fréquemment des noms germaniques ; cette mode perdurera jusqu’au Xe siècle.

vers le Français...

Avec la ruine de l’empire romain d’Occident, les provinces s’isolent, les échanges commerciaux diminuent, la société se transforme progressivement en une économie de subsistance rurale et fermée sur elle-même.

En 469, les Wisigoths s’emparent du Berry et de Bourges. Le Pays Fort est à la limite du territoire wisigoth et de l’Etat de Siagrius, dernier chef romain en Gaule. Progressivement, les Francs, peuple germanique originaire de la région du Rhin inférieur, vont prendre le contrôle de grandes régions en Gaule : Clovis, roi des Francs depuis 481, bat successivement en 486 Syagrius à Soissons et Alaric II, roi des Wisigoths en 507 àVouillé ce qui lui permet d'unifier une grande partie de la Gaule sous son autorité, les Francs deviennent la puissance dominante. Ils parlent une langue germanique, le francique.

Au VIIe siècle la situation linguistique est complexe : les langues germaniques sont indispensables aux populations qui veulent jouer un rôle politique puisque tous les rois ne parlent que des langues germaniques puisque le Royaume des Francs a été partagé à la mort de Clovis entre ses quatre fils. Le Berry fait partie du Royaume de Clodomir. Le latin classique n'est plus utilisé que pour les écrits et la population autochtone parle ce qu'on appelle à l'époque la «lingua romana rustica», sorte de latin «vulgaire» différent de celui des siècles précédents qui va prendre selon les régions, des formes variées devenant des parlers régionaux, subdivisés en dialectes ou patois. Malgrè l’arrivée des Francs, leur nombre réduit (environ 5 %) par rapport à la population gallo-romane ne leur permet pas d'imposer leur langue à tout le pays et la plupart des colons francs utilisent le latin parlé à l’époque. Le francique qui va fusionner avec le latin vulgaire, entraînant des changements phonétiques, lexicaux et grammaticaux. Cette fusion va donner naissance à la langue française.

Gaule clovis2

Au IXe siècle apparaissent les premiers textes français : le français, c’est-à-dire le dialecte de l’Ile-de-France prend peu à peu le pas sur les autres dialectes du nord de la Gaule ; c’est ce qu’on appelle couramment l’ancien français. A la fin de la période des Grandes Invasions, vers la fin du Xe siècle, la population est plus stable et deux grands espaces linguistiques se dessinent : celui de la langue d’oil au Nord et celui de la langue d’oc au Sud et on assiste à la formation de dialectes locaux ayant des zones de diffusion restreintes comme le lorrain, le bourguignon, le berrichon au nord et le provençal ou le languedocien au sud pour n’en citer que quelques uns. La toponymie de cette époque dite féodale est caractérisée par plusieurs particularités : l’utilisation de l’article défini dans le nom des lieux-dits (La Chapelotte, La Motte-Beuvron), l’inversion du mode de composition des toponymes, désormais détérminé + déterminant contrairement à la syntaxe germanique détérminant + déterminé (Chateauneuf d’influence galloromaine ; Neufchâteau, d’influence franque).

Dès les XI-XIIIe siècles, après un nouveau défrichement, le nom de lieu prend celui de son propriétaire ou de celui qui l’exploite sous deux  formes, soit précédé de "la" lorsque le lieu d’habitation évoque la femme qui gère la maison (avec terminaison en e du patronyme), soit avec "Les" précédeant le patronyme mis au pluriel. Cet usage n’est pas répandu partout en France mais est courant dans le Berry (Baudot, 1985). Les noms de famille tels que nous les connaissons et qui vont apparaître dans la formation des noms de lieu datent de cette époque. Auparavant, un seul nom était attribué à un individu, le nom de baptême, puis, afin d’éviter les confusions, il a été complété souvent par un surnom qui s’est progressivement transformé en nom de famille. Ces surnoms ont plusieurs origines possibles : ils peuvent être issus d’un nom de baptême de personnes d’origine germanique (Bernard) ou chrétienne (Thomas), d’un lieu de résidence ou d’origine (Dethou), d’un métier (Chartier), une particularité physique (Camus)…  Dès le XIVe siècle, les surnoms tendent à se transmettre de génération en génération, notamment s’ils sont attachés à une terre et consignés dans des chartes ou des terriers : ils ne caractérisent plus une seule personne mais un foyer, une lignée et vont devenir de véritables noms de famille (comme L’âne ðLasne)

Une autre manière de créer des toponymes à partir de noms de personne est la suffixation : à la suite d’affranchissements octroyés aux serfs appartenant à des seigneurs laïcs ou écclésiastiques, dès 1060-1075, apparaissent dans les documents des toponymes français formés à l’aide d’un nom propre d’homme et du suffixe féminin de possession –ière (du latin aria) pour désigner des élevages d’animaux (Asnières) ou des cultures (L’Aveinerie), indiquant la propriété d’une terre, d’une maison ou d’un domaine rural surtout dans les zones d’habitat dispersé car ils correspondent souventà de nouvelles exploitations (Baudot, 1985). –erie est utilisé quand le nom de personne se termine par –ier ou –er est un peu plus récent, il apparaît à la fin du XIIIe siècle.

L’ancien français sera utilisé jusqu´au XIVe siècle, remplacé par le moyen français (XIVe - XVIe siècle), puis par le français classique (XVIIe - XVIIIe siècle) et le français moderne.

Date de dernière mise à jour : 10/07/2024

Ajouter un commentaire

Anti-spam